« Quelques mots sur la CGT » (par Emile POUGET)

En août 1907, Émile Pouget, dirigeant syndicaliste CGT, signait la préface du n° 331 de l’impertinente revue « L’Assiette au beurre ». L’occasion pour lui de revenir sur la jeune CGT, créée quelques années plus tôt, en 1895 : son organisation, son fonctionnement, ses buts. Un résumé, en quelques lignes, du syndicalisme révolutionnaire : indépendance syndicale, fédéralisme ouvrier, action directe.

« CGT !… C’est le Mane, Thecel, Pharès qui fulgure dans le ciel du XXe siècle et apeure digérants et dirigeants.
Qu’est-ce donc ce « péril » qui menace le capitalisme ? De quoi est-il fait ? Comment fonctionne-t-il ?
C’est bien simple :
Des ouvriers, voulant résister aux exigences patronales, obtenir de moins mauvaises conditions de travail, s’unissent avec les camarades de leur profession : pour s’unir contre le patron, ils ne se préoccupent pas de savoir s’ils ont mêmes opinions politiques, mêmes vues philosophiques ou religieuses. Ils s’en moquent ! Ils sont unis par un lien plus fort – ils sont de la même classe, ils ont mêmes intérêts. Ils se groupent donc, et c’est le syndicat.
Puis, ces mêmes ouvriers, constatant qu’ils auraient plus de force si leur syndicat s’associait aux autres syndicats de la ville, constituent avec ceux-ci une union – et c’est la Bourse du travail.
Outre cette union avec les camarades des autres professions, ces ouvriers reconnaissent la nécessité, pour accroître leur puissance d’action, d’entrer en relations avec les ouvriers d’autres villes et de même profession qu’eux : leur syndicat s’affilie donc avec d’autres syndicats de même espèce – et c’est la fédération corporative.
Après quoi, les Bourses du travail se fédèrent entre elles, de même les fédération corporatives – et la cohésion de ces groupements constitue l’organisme unificateur de la force et des intérêts ouvriers : la Confédération générale du travail.
Le Comité confédéral, matérialisation de la CGT, est formé par la réunion de délégués nommés par les Bourses du travail et les fédérations corporatives, à raison d’un délégué par chaque.
Tel est, en ses grandes lignes, l’organisme confédéral : il n’est pas un organisme de direction, mais bien de coordination et d’amplification de l’action révolutionnaire de la classe ouvrière ; il est donc tout le contraire des organismes démocratiques qui par leur centralisation et leur autoritarisme étouffent la vitalité des unités composantes. Dans la CGT, il y a cohésion et non centralisation ; il y a impulsion et non direction. Le fédéralisme est partout : à chaque degré, les organismes divers – l’individu, le syndicat, les Bourses du travail, les fédérations corporatives – sont toutes autonomes. Et c’est ce qui fait la puissance rayonnante de la CGT.
La philosophie qui se dégage de l’amalgame confédéral est, naturellement, une philosophie de l’action : l’individu apprend qu’il doit faire ses propres affaires, ne compter que sur sa vigueur et sa force (vigueur et force qui s’accroissent par l’association avec ses camarades) pour améliorer son sort et se préparer à jeter bas la société d’oppression et d’exploitation en laquelle il étouffe ; il apprend qu’il n’y a rien à attendre de l’intervention de forces ou de puissances extérieures à lui. Et cela est exprimé par un vocable qui a fait son chemin : action directe !
Or, de l’action directe dérivent tous les moyens d’action qui sont mis en œuvre par la classe ouvrière : la grève, le sabotage, le boycottage, etc., y compris la grève générale – qui symbolise la ruine de la société capitaliste –, ne sont que des modalités de l’action directe.
Le syndicalisme sort donc le travailleur de l’ornière où l’enlisait le démocratisme – qui ne sait qu’apprendre à obéir – ; il proclame que l’action est le sel de la vie… Et c’est pourquoi il déchaîne les colères ! »

Émile Pouget
Secrétaire de La Voix du peuple, organe officiel de la CGT

Source: https://blogs.mediapart.fr/guillaume-goutte/blog/280522/emile-pouget-quelques-mots-sur-la-cgt

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